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Le Délire D'Hibari
15 février 2018

L'inconnue du bus 203

Il était en retard comme d'habitude. Ce foutu bus, arrivait toujours avec 5 à 7 minutes de retard. Phil avait l'habitude. Il prenait le bus tous les jours à la même heure. Il alluma la dernière cigarette de son paquet. Un léger toussotement de protestation se fit entendre derrière lui. Il ne se retourna pas, il savait déjà qui s'était. Même heure, même arrêt, donc même personne. Il tira sur sa cigarette et recracha la fumée pile dans l'angle du vent. Jetant un coup d'œil à la montre qu'il portait au poignet, il s'aperçut que le retard dépassait maintenant les 4 minutes. Il écrasa son mégot pile au moment ou le bus arrivait, comme à son habitude.

Une fois dans le bus, il alla s'asseoir sur les sièges les plus au fond. Il prit la même place que d'habitude, celle en face de la dernière porte, et à côté de la vitre. Cela lui permettait de regarder le paysage défiler devant lui. Il savait comme ça où il se trouvait sans pour autant devoir écouter la voix stridente qui chantonnait les noms tordus des arrêts. Enfonçant comme à son habitude, ses écouteurs dans ses oreilles. Il entendit la même playlist que d'habitude démarrer, et ferma les yeux. Dans 2 arrêts, il savait ce qui l'attendait. Il l'avait surnommé "L'inconnue du bus 203" dans sa tête. Il rouvrit les yeux, quand il sentit pour la 2ème fois le bus s'arrêter. Les portes s'ouvrirent laissant entrer une demi-douzaine de personnes. La dernière personne à monter, avança vers le fond, sans jeter une seule fois son dévolu sur les places libres à l'avant. Elle vint s'installer, comme d'habitude, juste en face de lui.

Il avait été choqué la première fois, les autres cherchaient souvent des places libres. La technologie avait fait devenir la majorité des humains asociale. Mais, elle, c'était assise en face de lui, un sourire sur le visage. Il avait eut peur. Peur que ce soit quelqu'un qu'il connaisse, sans pour autant la reconnaître. Mais quand il avait détaillé son reflet dans la vitre, il s'était senti rassuré. Une voix au fond de lui avait crié qu'il ne la connaissait pas, et une autre avait hurlé un simple ''Dommageeee elle est jolie''. Puis il l'avait revu le lendemain, monter au même arrêt, et s'asseoir à la même place. Puis le sur-lendemain, et encore après. Cela faisait près de deux mois maintenant. Mais il n'avait jamais osé lui adresser la parole. Pourtant, il avait réfléchi longuement à la question. En se disant qu'un simple bonjour aurait suffi. Sauf que comme lui, elle avait ses écouteurs bien ancrés dans les oreilles.

Encore, aujourd'hui, elle venait de s'installer en face de lui, le fil de ses écouteurs se balançant au rythme du bus qui redémarrait. Il soupira intérieurement en se promettant de ne pas mettre ses écouteurs demain. Comme ça, il pourrait lui adresser la parole.
Il regarda une seule fois son portable. Il entamait la dernière chanson de la playlist, signe qu'il était presque temps de descendre. Il le glissa dans sa poche droite, comme d'habitude. Et attrapa son sac posé à côté de lui. Il se leva. Mais au même moment le bus s'arrêta d'un coup brutal le faisant tomber vers l'avant, pas comme d'habitude. Il essaya de se retenir, c'était peine perdue. Un deuxième choc fit tressauter le bus vers l'avant. Quand il réussit à reprendre le contrôle de son équilibre. Il comprit qu'il avait entraîné dans sa chute, la fameuse "inconnue du bus 203".

Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose. Il remarqua qu'il entendait des discussions tout autour de lui. Portant la main à ses oreilles, il remarqua qu'il avait perdu un de ses écouteurs. Une voix dans sa tête lui cria qu'il y avait sûrement d'autre chose à ce préoccuper. Il se redressa donc.
« Vous allez bien ? »

Il tourna la tête vers la voix. Il sentit son cœur louper un battement. C'était l'inconnue du bus.
« O.. Oui et t... Vous ?
-Oui, plus de peur que de mal. »

Il se sentit soulagé. Elle lui lança un sourire, et il se releva. Il sentit son écouteur s'enfuir de son oreille. Il baissa alors les yeux. Il remarqua alors que dans la chute, son écouteur droit était allé se mêler avec ceux de l'inconnue.

« Alors, ça, c'est une première... Je crois que nous sommes liés par le destin maintenant »

Pour toute réponse, elle rit. Il avait l'impression que c'était la plus belle chose qu'il avait entendue de sa vie. Il lui tendit alors une main charitable pour l'aider à se relever.

« Merci... »

Elle parut hésiter quelques secondes, avant d'attraper sa main.

« Je m'appelle Phil

-Astrid

-Jolie prénom »

Il faillit foncer tête la première dans le mur, juste après avoir ouvert la bouche. Il n'y avait rien de moins originale que ce qu'il venait de sortir. Elle lui sourit. Apparemment, elle ne tenait pas rigueur de son originalité à deux francs cinquante. Il allait lui demander si elle venait souvent ici, mais il se mordit la langue. Il connaissait déjà la réponse. En attendant, elle avait entrepris de délier leurs écouteurs. Il se demanda si elle était pressée de partir ? Ou simplement de retrouver un peu de calme en écoutant de la musique. Il ne sut jamais vraiment la réponse, car le conducteur du bus, qui semblait plus pâle que sa chemise, vint leur demander de descendre. Ce qu'ils firent, une fois libérés de leurs emprises. Quand il posa les yeux sur l'étendue de la scène qui s'étendait à perte de vue devant lui. Phil en oublia totalement Astrid, pourtant juste à côté de lui. Le bus avait percuté une voiture de plein fouet. Plus loin, on distinguait une vague forme humaine étendu sur le sol. Et derrière le bus, on s'apercevait que cela avait créé une réaction en chaîne. Il voulut se tourner vers Astrid, mais elle avait disparut.

 

Le lendemain, il fut fidèle au poste. Même heure, même arrêt, même protestations, même retard, et nouveau paquet de cigarettes. Quand le bus 203, s'arrêta enfin devant lui, Phil s'empressa de retrouver sa place. Mais cette fois, il n'enfonça pas ses écouteurs dans ses oreilles, car il s'était aperçu qu'ils étaient morts dans l'accident d'hier. Le trajet jusqu'à l'arrêt d'Astrid, lui parut plus long, et stressant que jamais. Et quand le bus s'arrêta enfin à destination, pas l'ombre d'une seule inconnue du bus 203. Phil fut déçu. Et dans les jours qui suivirent, il devient de plus en plus inquiet. Avait-elle changeait de ligne ? Ou alors d'horaire ?

Au bout d'un mois, il ne levait même plus le nez de la vitre, quand le bus s'arrêtait à ce qui avait été l'arrêt de l'inconnue. Un jour, il sentit que quelqu'un s'installait devant lui. Il ne rouvrit les yeux, qu'il avait fermés à cause d'une migraine passagère, que deux minutes plus tard. Il tomba alors sur un sourire, qui se voulait timide mais sincère. Son regard remonta sur des yeux verts qui le fixaient. Il porta machinalement sa main à son oreille pour retirer l'un de ses nouveaux écouteurs.

« Salut Phil

-Astrid

-On dirait que tu as vu un fantôme ?

-Non, c'est juste que je ne m'attendais plus à te voir ici...

-Ah oui, mais j'en avais marre de devoir me lever plutôt pour prendre un autre trajet »

Finalement, la conversation dura tout le reste du trajet. Et lors des suivants aussi.

 

 

« Alors tu as rencontré maman grâce à un accident de bus ?

-Oui

-N'empêche, tu n'as pas répondu à ma question... Tant pis, je serais jamais pourquoi ils ne mettent pas de ceinture dans les bus »

 

 

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